Chênaies

Alors que les forêts du Plateau suisse sont principalement constituées de hêtres (Fagus sylvatica), les chênes (Quercus robur, Q. petraea) sont les essences largement dominantes dans les forêts genevoises, accompagnées du charme (Carpinus betulus). Si le climat est à peine plus chaud que dans les autres cantons1, cette spécificité a principalement des racines historiques, puisque les chênes ont été largement favorisés pendant des siècles par l’Homme pour des raisons économiques2, 3.

Au début du XXe siècle, les chênes avaient encore de nombreux débouchés: les feuilles permettaient de rembourrer les matelas4, les glands servaient de nourriture aux cochons, l’écorce – riche en tanin – était utilisée dans la fabrication du cuir5 et le bois était exploité intensivement comme source d’énergie. La pression exercée sur les boisements était telle qu’au fil du temps elle a façonné la physionomie des massifs. En effet, pour subvenir aux besoins de la population, les chênes étaient coupés régulièrement en vue d’exploiter les rejets* de souche tous les vingt-cinq à trente ans.

Cette pratique sylvicole nommée «taillis*» exploitait intensivement des troncs de petits diamètres (généralement inférieurs à 20 cm) à intervalles rapprochés2, 5. Sur la durée, cette exploitation, pratiquée principalement sur les terrains plats faciles d’accès, a eu une influence marquée sur les conditions édaphiques* en appauvrissant et en compactant les sols. Ces différents phénomènes furent propices à l’installation de forêts claires* peuplées d’arbres de faibles diamètres2.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les forêts genevoises ne présentaient plus que des ressources restreintes en bois : les sous-bois étaient riches en buissons épineux et les arbres qui restaient étaient malingres. Face à cette situation, une politique de restauration forestière est mise en place dès les années 1950, avec l’abandon du taillis*, 6. Dès lors, les efforts déployés par le service des forêts pour la conversion des taillis* vers des futaies* gérées de manière durable, associée à la perte progressive de valeur du bois comme matière première, concurrencé par le mazout, l’électricité et les nouvelles matières plastiques, vont permettre aux forêts genevoises de reconstituer et d’améliorer leurs ressources en bois6. Cette évolution des pratiques sylvicoles a conduit à une forte diminution des conditions de luminosité du sous-bois, à une augmentation importante du taux de couverture de la canopée et à une amélioration significative de l’activité biologique et de la fertilité* des sols forestiers.

Aujourd’hui, plus d’un demi-siècle plus tard, les chênaies du canton sont devenues un patrimoine naturel exceptionnel, valorisé aussi bien pour des raisons biologiques et paysagères que pour la production de chênes, l’un des bois de feuillus les plus appréciés et recherchés à notre époque.

La carte cantonale des milieux distingue à l’échelle du 1: 5’000e les quatre types de chênaies suivants :

  • trois types de chênaies mésophiles ou hygrophiles. Les chênaies à molinie se développent sur des sols à humidité changeante, les chênaies à gouet sont liées à des sols profonds soumis à un engorgement temporaire et les chênaies-frênaies colonisent les terrasses alluviales. Les chênaies mésophiles sont majoritairement situées sur des terrains plats et étaient autrefois fortement exploitées.
  • les chênaies sèches, très peu représentées dans le canton, occupent les sites les plus secs, souvent en situation de pente, ce qui leur a valu d’être peu exploitées au cours des siècles passés.