Végétations temporairement inondées
Description
Constitués de plantes annuelles* qui colonisent les terrains laissés temporairement nus par le retrait des eaux, ces milieux pionniers* sont principalement présents au bord des mares* ou sur les grèves asséchées en période estivale1. Toutefois, certains groupements se retrouvent ponctuellement en bordure de chemin3, dans les champs cultivés longtemps détrempés au printemps, ou dans les terrains vagues inondables1.
La particularité de cette végétation est d’avoir su s’adapter aux modifications des conditions environnementales. Ainsi de nombreuses plantes possèdent des graines de très petite taille capables de résister plusieurs années dans le sol dans l’attente de conditions favorables. Dès que celles-ci sont réunies, elles réalisent rapidement leur cycle de vie, produisant un grand nombre de graines qui, une fois mélangées à la boue, se colleront aux animaux de passage ou aux engins de chantier afin d’assurer leur dissémination*.
La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 1: 5’000e les variantes suivantes:
- la variante à petits souchets (Nanocyperion flavescentis) est la plus représentée parmi les surfaces cartographiées. Elle se développe sur des surfaces exposées à la lumière5, sur des sols pauvres en nutriments mais avec présence de bases et nitrate. En l’absence de ces derniers éléments, elle est remplacée par la variante à radiole faux lin (Radiolion linoidis) qui présente une physionomie très similaire.
Composées de végétations herbacées* de petite taille1, ces unités présentent une diversité floristique élevée1,5 tout en étant très éphémère1, 4, 5. La période de développement peut parfois se limiter à quelques semaines à la fin de l’été! Riche en espèces vasculaires rares comme la blackstonie acuminée (Blackstonia acuminata)1, la petite centaurée élégante (Centaurium pulchellum)1, 3, le souchet brun noirâtre (Cyperus fuscus)1,3 ou la gypsophile des murailles (Gypsophila muralis)1,3, ces groupements sont souvent caractérisés par la présence du jonc des crapauds (Juncus bufonius)1 ou du gnaphale des marais (Gnaphalium uliginosum)8. - la variante à bidents (Bidention tripartitae) se rencontre sur les terrains vaseux plus riches en nutriments* et se développe rapidement à la fin de la période estivale1. Ce groupement offre une physionomie tout à fait différente de la variante à petits souchets : les plantes sont de plus grandes tailles (70-160 cm)1, luxuriantes et il est fréquent d’apercevoir le bident à feuilles tripartites (Bidens tripartita)1, 3 ou les renouées indigènes (Polygonum hydropiper, Polygonum mite)1,4.
- la variante à chénopode rouge (Chenopodion rubri) se développe sur les terrains sablo-graveleux riches en nutriments* et en sels. Très peu fréquente à Genève le long des grands cours d’eau, elle se rencontre plus fréquemment en zones maraîchères ou aux abords des composts. Les chénopodes sont fréquents (Chenopodium ficifolium, C. glaucum, C. rubrum)3, de même que l’échinochloa pied de coq (Echinochloa crus-galli)3. Plus ponctuellement, il est possible d’observer la renouée à feuilles de patience (Polygonum lapathifolium)3.
Certaines unités, très peu fréquentes et fragmentaires à Genève, n’ont pas été cartographiées jusqu’ici. Elles méritent cependant d’être mentionnées puisqu’elles présentent un fort enjeu de conservation en hébergeant de nombreuses espèces rares* et menacées*. Il s’agit:
- des groupements à littorelle et héléocharis (Eleocharition acicularis) qui occupent les rives des étangs* temporairement exondés, sur des substrats pauvres en nutriments* et riches en calcaire. Ils se caractérisent par la présence de l’héléocharis épingle (Eleocharis acicularis), de la littorelle uniflore (Littorella uniflora) ou de la renoncule radicante (Ranunculus reptans).
- des groupements pionniers à samole et baldéllie (Samolo-Baldellion) qui occupent les bordures sablo-argileuses de certaines mares* et fossés. Ils se caractérisent par la présence du très discret samole de Valerand (Samolus valerandi). La baldéllie commune (Baldellia ranunculoides), qui donne son nom à l’alliance* phytosociologique* est absente du canton9.
Où observer
Quand observer
Identité
Profil
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
3.1 | 3.6 | 5 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
2.9 | 3 | 3.4 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
3 | 3.6 | 4.1 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
3.5 | 4.1 | 5 |
Value |
---|
4 |
Le saviez-vous?
Valeur biologique
Les variantes à petits souchets (Nanocyperion) et à radiole faux lin (Radiolion) présentent un fort enjeu de conservation sur le plan floristique et faunistique puisqu’elles abritent de nombreuses espèces rares* et menacées* par la disparition de leur habitat*, 1, 5. C’est par exemple le cas de la blackstonie acuminée (Blackstonia acuminata), de la gypsophile des murailles (Gypsophila muralis), de l’isolépis sétacé (Isolepis setacea), de la véronique à écusson (Veronica scutellata), de la salicaire à feuilles d’hysope (Lythrum hyssopifolia) ou du souchet brun noirâtre (Cyperus fuscus).
Afin de mieux assurer leur maintien, certaines espèces font l’objet de plans d’action. Il s’agit d’études destinées à analyser l’évolution de leur répartition dans le temps et à mieux comprendre les conditions nécessaires à leur préservation. Cet état des lieux permet ensuite de proposer des mesures favorables à leur installation.
Les groupements du Nanocyperion et du Radiolion sont susceptibles d’abriter le crapaud calamite (Bufo calamita), un amphibien menacé* en Suisse qui apprécie la présence de gouilles temporaires pauvres en végétation7. Bien que principalement présents dans les sites d’extraction (gravières par exemple)6, il est possible de le rencontrer au bord des plans d’eau qui bénéficient encore d’une dynamique* permettant l’apparition régulière de milieux pionniers* dépourvus de végétation. Comme lui, le tetrix des vasières (Tetrix ceperoi) est lié aux biotopes* humides et recherche des plans d’eau régulièrement asséchés7. La disparition de son habitat en fait une espèce en danger d’extinction au niveau suisse7. Pour pérenniser ces espèces, tous les milieux* favorables doivent être maintenus et mis en réseau afin d’assurer le brassage génétique.
Les variantes à bidents (Bidention) et à chénopode rouge et glauque (Chenopodion) présentent un intérêt moindre du point de vue floristique, bien qu’il soit possible de rencontrer ponctuellement sur les rives temporairement humides le vulpin fauve (Alopecurus aequalis) et la renoncule vénéneuse (Ranunculus sceleratus), deux espèces menacées* au niveau suisse. La présence de ces groupements au bord de l’eau est généralement le témoin d’un bon fonctionnement de la dynamique alluviale*, 4!
Vulnérabilité et gestion
En théorie, ces milieux colonisent les grèves des rivières ou les ceintures des plans d’eau, là où le passage répété des crues crée régulièrement de nouveaux biotopes*. A Genève, il est possible de les rencontrer autour des étangs et des mares soumis à la fluctuation saisonnière du niveau d’eau, comme au bois des Mouilles par exemple. Très fugaces par nature, ils peinent aujourd’hui à coloniser les surfaces, conditionnés par la perte de dynamique hydrologique* naturelle, l’aménagement et l’artificialisation* des berges4. Ainsi, ce sont principalement les perturbations d’origine humaine5 (piétinement, décapage du sol par un engin de chantier, labours dans un terrain humide ou assèchement d’un étang)1 qui sont à l’origine de l’apparition de ces groupements. Une fois installés, ils évoluent rapidement (entre un et sept ans suivant les conditions). Les espèces qui les composent n’étant pas de grandes compétitrices, en l’absence de rajeunissement des rives par les crues, elles cèdent la place aux espèces persistantes.
La gestion de ces milieux très fugaces doit s’intégrer à une gestion plus globale des étangs et des cours d’eau visant à favoriser le développement d’une mosaïque de milieux4, 5. Dans le cas présent, il s’agit d’un groupement d’espèces pionnières* dépendantes d’une phase d’inondation longue (qui empêche la colonisation du milieu par les plantes vivaces* ou les saules), suivie d’une période d’exondation en été4. Il est donc essentiel de garantir le battement de nappe* en préservant autant que possible le régime hydrologique* naturel4 ou en recréant ces conditions. Les plans d’eau peuvent aussi faire l’objet d’aménagements visant à favoriser les berges en pente douce afin d’assurer l’assèchement estival4. Si cela ne suffit pas, la création artificielle de milieux pionniers* est préconisée.