Prairies humides à lotier maritime
Description
Comme les prairies humides à filipendule à six pétales, les prairies humides à lotier maritime se caractérisent par la présence d’un substrat argileux6 qui retient l’eau en surface. Toutefois, cette accumulation d’eau de pluie dans les horizons superficiels du sol durant l’hiver est ici rapidement contrebalancée par les particularités topographiques (pente, présence de buttes) qui conduisent à un assèchement estival marqué et précoce5 (en moyenne dès la mi-juin). Le sol argileux est d’ailleurs souvent craquelé en surface l’été, témoin du retrait prolongé de la nappe*. Le ruissellement des eaux sur les pentes (lixiviation) et la pauvreté originelle du substrat limitent la disponibilité des éléments nutritifs*. Il en résulte une prairie peu productive sur le plan agricole. La fauche traditionnelle permet une production en matière sèche d’environ 2 tonnes par hectare et par an5 seulement, ce qui est 5 à 7 fois inférieur aux rendements obtenus sur les prairies artificielles intensives. La qualité nutritive du fourrage est moindre et le produit de fauche* généralement utilisé pour la litière.
Le groupement typique à lotier maritime (Molinion: Tetragonolobo-Molinietum) comporte une végétation peu dense, pouvant atteindre 1 m en fin d’été, dominée par la molinie faux-roseau (Molinia arundinacea)5. Bien que floristiquement proche des prairies à filipendule, les prairies à lotier s’en distinguent par la présence de très nombreuses espèces de prairies sèches comme le brome dressé (Bromus erectus)5, l’hippocrépide à toupet (Hippocrepis comosa)5, la globulaire allongée (Globularia bisnagarica)5, la polygale à toupet (Polygala comosa), le discret lin à feuilles menues (Linum tenuifolium)5, ou l’aspérule des collines (Asperula cynanchica)5. Plusieurs espèces d’orchidées (Ophrys spp.)5 sont aussi régulièrement présentes, tout comme la succise des prés (Succisa pratensis) et l’emblématique lotier maritime (Lotus maritimus)5, dont l’ancienne dénomination (Tetragonolobus maritimus) a donné son nom à l’association. Les espèces des prairies de fauche fertiles de type Arrhenatherion (Dactylis glomerata, Holcus lanatus) sont généralement absentes5. Cette unité, très sèche lors de la période estivale, réalise la transition en direction des prairies sèches (Xerobromion)5.
Où observer
Quand observer
Identité
Profil
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
2.4 | 2.45 | 2.5 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
3.5 | 3.55 | 3.6 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
2 | 2.05 | 2.1 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
4.1 | 4.15 | 4.2 |
Value |
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5 |
Le saviez-vous?
Valeur biologique
Les prairies humides à lotier maritime ont une valeur biologique très importante qui relève autant de leur rareté au niveau cantonal et national que du cortège* spécifique très riche en espèces, notamment protégées*, qui leur est associé2. Observées sur une belle surface dans la réserve naturelle du Crêt de Mandole (Chancy), elles se rencontrent également dans les bois des Bouchets (Chancy) en mosaïque avec les pinèdes.
Sur le plan botanique, il faut souligner la présence de nombreuses orchidées comme l’ophrys abeille (Ophrys apifera), l’ophrys mouche (Ophrys insectifera) ou les ophrys araignées (Ophrys araneola et O. sphegodes) ou encore l’épipactis des marais (Epipactis palustris).
A l’instar des végétaux, il est possible de rencontrer certains animaux menacés* qui bénéficient d’une protection particulière à Genève. C’est le cas par exemple du grillon des marais (Pteronemobius heydenii), du criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), du délicat cuivré des marais (Lycaena dispar) ou de l’exigeant damier de la succise (Euphydryas aurinia s. str.)1.
Vulnérabilité et gestion
L’absence d’historisation des pratiques ne permet pas de définir avec précision l’usage de ces prairies au début du XXe siècle. Les photographies aériennes de 19328 révèlent une surface passablement écorchée au Crêt de Mandole, sans qu’il soit possible de poser un diagnostic précis de la végétation du site. Il s’avère donc malaisé de savoir quelle pratique prédominait: une exploitation traditionnelle par la fauche ou un pâturage extensif ? Ce qui est en revanche certain aujourd’hui, c’est que leur pérennité dépend du maintien d’une pratique de fauche suivie et adaptée. Celle-ci est réalisée tardivement (en moyenne courant septembre) afin de favoriser les espèces végétales à long cycle biologique dont la dissémination des graines intervient à la fin de l’été2.
L’intervention est réalisée de manière sectorielle, ce qui permet de préserver des zones refuges*. Cette précaution est indispensable pour les insectes, notamment les papillons (grand nègre des bois: Minois dryas, cuivré des marais : Lycaena dispar, damier de la succise: Euphydryas aurinia), qui ne supporteraient par la disparition temporaire de la strate herbacée. Si la molinie devient trop dominante, il est possible d’effectuer une fauche plus précoce, vers la mi-août, afin de favoriser le développement des autres espèces. Il est nécessaire d’exporter ensuite les produits de coupe* pour limiter l’apport en matière organique*,2.
En l’absence d’intervention humaine, les espèces forestières adaptées à l’humidité très variable du terrain, comme le pin sylvestre (Pinus sylvestris), le tremble (Populus tremula) ou la bourdaine (Frangula alnus), s’installent. Pour bloquer cette tendance évolutive, il est généralement recommandé de contenir à 10 ou 20% la surface couverte par les ligneux, tout en gardant la possibilité de faire varier ce pourcentage en fonction des besoins. L’hétérogénéité de structures est bénéfique pour la biodiversité puisqu’elle permet l’expression de la strate* herbacée* tout en augmentant le nombre d’habitats* favorables pour la faune3.
La rareté de cette unité sur le canton est probablement liée au retournement des terres pour la mise en culture. Très pauvre en nutriments, le sol des prairies humides à lotier maritime est particulièrement sensible à la fertilisation*. En milieu rural, l’intensification des pratiques agricoles pu contribuer à enrichir le terrain en fertilisant2, 4, notamment, les surfaces à faible relief, ce qui aurait compromis durablement (l’argile est une excellente «éponge» à nutriments) la typicité de cette végétation. Il convient donc de proscrire l’usage d’engrais à proximité de ces prairies. Les éventuels travaux de drainage doivent également être surveillés afin d’éviter l’assèchement complet du milieu2, 4.