Prairies semi-naturelles extensives

Arrhenatherion

Description

Les prairies semi-naturelles extensives sont des prairies dont l’existence est liée à l’exploitation agricole traditionnelle. Composées essentiellement d’écotypes* locaux, elles sont en place depuis plusieurs dizaines d’années et sont le fruit d’une évolution lente due aux pratiques agricoles (fréquence de fauche, intensité de fumure*, pratique du pâturage). Le qualificatif «naturelles» indique que ces prairies n’ont pas été ensemencées avec des mélanges commerciaux standards5.

Cette unité intègre également les surfaces ensemencées par la technique de l’herbe à semence* lorsque les prairies source sont reconnues comme semi-naturelles.

Présentes sur des sols profonds, frais et riches en substances nutritives3, elles atteignent entre 70 et 100 cm de hauteur à floraison3, 4. Fauchées une et à deux fois par an4, généralement pas avant la mi-juin4, elles offrent une production en matière sèche de maximum 6 tonnes par hectare et par an. Selon les cas, la fauche peut être suivie d’une pâture automnale3, 4. Ces prairies «pâturées» présentent alors des caractéristiques floristiques intermédiaires entre prairies de fauche et pâturages.

Notons que la disponibilité du sol en substances nutritives*, 3 distingue ces prairies dites «grasses» des prairies «maigres» (prairies humides à filipendule à six pétales, prairies humides à lotier maritime, prairies sèches), ayant une faible disponibilité en nutriments* et des prairies artificielles intensives qui sont régulièrement fertilisées*.

Les prairies semi-naturelles extensives, couvertes d’un tapis graminéen dense et continu, sont toujours dominées par le caractéristique fromental (Arrhenatherum elatius)4, 6, accompagné de nombreuses autres graminées de divers genres (Anthoxanthum, Bromus, Dactylis, Festuca, Helictotrichon, Phleum, Poa, etc.). Le cortège* floristique est diversifié, ce qui révèle leur caractère extensif.

La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 1: 5’000e les deux variantes suivantes :

Où observer

Au Moulin de Vert dans la partie sud des Pré de Bonne (Cartigny). Sur le plateau de la Donzelle le long du chemin des Vignes-du-Rhône (Dardagny).

Quand observer

De mi-mai à mi-juin pour profiter de la magnifique floraison avant la première fauche.

Profil

Surface en hectares
61.9
Pourcentage du canton occupé
0.20%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
2.8 2.8 2.9
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
3 3.1 3.1
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
3.1 3.3 3.5
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
4 4.1 4.1
Naturalité
Value
4

Le saviez-vous?

La création de prairies à partir d’herbe à semence s’inspire de la technique dite de la « fleur de foin », utilisée autrefois par les agriculteurs. Cette pratique consistait à balayer la « poussière » de foin dans les granges, afin de récolter les graines tombées au sol pour ensemencer de nouvelles parcelles.

Valeur biologique

Les prairies semi-naturelles extensives se distinguent par leur richesse* spécifique comprenant de nombreuses dicotylédones* répandues dans toute la Suisse dans d’autres groupements végétaux3. Cette abondance de fleurs colorées est très attractive pour les insectes comme les papillons, les coléoptères, les criquets ou les sauterelles.

Certains mammifères comme le campagnol des champs (Microtus arvalis) ou le lièvre (Lepus europaeus) trouvent également dans ces prairies un garde-manger bien garni. La présence de quelques arbres isolés ou de buissons constitue un atout biologique supplémentaire. En effet, elle contribue à attirer les oiseaux, comme le tarier pâtre (Saxicola torquatus) qui s’y perche pour faire le guet. En résumé, ces prairies laissent s’exprimer une biodiversité foisonnante!

Par ailleurs, les prairies semi-naturelles extensives sont des sources fiables d’écotypes* genevois. Une caractéristique rare qui contribue à donner de la valeur à ces milieux. Pour les identifier, le gestionnaire peut compter sur la précieuse collaboration des exploitants, qui connaissent l’origine de leurs prairies. En l’absence de traçabilité, cette mémoire du passé est souvent un élément essentiel pour reconstituer l’histoire des pratiques. Une fois répertoriées, les prairies semi-naturelles extensives peuvent servir de réservoir pour la production de semences ou être utilisées directement comme herbe à semences*. Notons qu’il ne reste sur le territoire cantonal qu’une soixantaine d’hectares certifiés «prairies semi-naturelles extensives 100% genevoises», soit environ 0,2% de la surface cantonale.

Vulnérabilité et gestion

Encore largement répandues dans une grande partie du pays au début du XXe siècle, les prairies extensives ont ensuite très fortement régressé, notamment sur le Plateau3. Dans les années 1990, c’est la réorientation de la politique agricole vers une agriculture plus proche de la nature qui a permis de reconstituer, en partie, les surfaces perdues. L’ensemencement par des mélanges commerciaux riches en diversité spécifique a été valorisé et de nombreuses prairies artificielles extensives ont fait leur apparition. Seules quelques prairies semi-naturelles se sont maintenues sur les terrains n’ayant pas changé d’affectation, et ayant bénéficié, sur la durée, d’une pratique de fauche traditionnelle réalisée une ou deux fois par an, sans apport d’engrais.

A Genève, il semble que la diminution des prairies de fauche extensives soit multifactorielle. Le développement de la vigne, l’amélioration des techniques de production et la mécanisation du travail ont favorisé l’installation de nouvelles cultures sur les surfaces en pente, traditionnellement laissées en prairies.

Aujourd’hui, ces prairies sont généralement inscrites par les exploitants en surfaces de promotion de la biodiversité* (SPB). Comme pour les prairies artificielles extensives, la fréquence, la période d’intervention, le matériel utilisé ainsi que le soin apporté au produit de coupe* ont leur importance1, 2. Idéalement l’herbe fauchée est laissée au sol pendant minimum 2 ou 3 jours afin d’assurer la dispersion de la petite faune et la dissémination* des graines4. Une fois sèche, elle est ensuite exportée pour être utilisée comme fourrage, ce qui favorise l’appauvrissement* du sol en direction des prairies maigres4 plus riches en biodiversité*. Le maintien de zones refuges* lors de la fauche est souhaitable afin de préserver une partie des populations d’insectes4. La conservation de quelques îlots d’arbrisseaux et d’arbustes constitue également des habitats* précieux pour la faune4. Le gestionnaire doit aussi veiller à limiter des pratiques trop intensives (fauche, fumure*) faisant évoluer le milieu vers les prairies artificielles intensives plus productives mais biologiquement moins diversifiées. En effet, si la fréquence d’intervention s’intensifie ou qu’elle est réalisée trop précocement, le cortège* floristique s’appauvrit rapidement3. Un enrichissement trop important du sol par apport d’engrais tend également à banaliser* la composition floristique en favorisant les espèces les plus compétitrices. Une diminution du nombre de dicotylédones* au profit des graminées s’observe aussi lorsque la fauche est réalisée trop tardivement sur de nombreuses années. L’importante production de graines de graminées, durant l’été, explique sans doute cette prépondérance.

Lors de la création de nouvelles prairies, le gestionnaire valorisera en premier lieu auprès des exploitants l’utilisation d’herbe à semence*, 9. Cette méthode consiste à ensemencer une parcelle avec de végétaux locaux, provenant d’une prairie semi-naturelle extensive de proximité reconnue pour ses qualités biologiques7, 8. Concrètement, la prairie source est fauchée, le produit de coupe récolté avec soin, puis épandu rapidement sur la parcelle receveuse7, 8.

Une partie des prairies semi-naturelles extensives les plus sèches du canton se trouvent dans l’inventaire fédéral des prairies et pâturages secs (PPS).

Dynamique

Fichier

Espèces

Flore vasculaire
Mammifères
Campagnol des champs Microtus arvalis
Oiseaux
Alouette des champs Alauda arvensis
Tarier pâtre (si buissons) Saxicola rubicola
Orthoptères
Criquet des mouillères Euchorthippus declivus
Decticelle bariolée Metrioptera roeselii
Decticelle chagrinée Platycleis albopunctata
Criquet du brachypode Stenobothrus lineatus
Lépidoptères
Azuré de la faucille Cupido alcetas
Azuré du trèfle Cupido argiades
Demi-deuil Melanargia galathea
Mélitée du plantain Melitaea cinxia
Azuré de l’ajonc Plebejus argus
Azuré des anthyllides Polyommatus semiargus
Coléoptères terrestres
Agrilus ater
Taupin des moissons Agriotes lineatus
Hanneton des jardins Phyllopertha horticola

Auteurs

Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier

Collaborateurs

Mathieu Chevalier, Emmanuelle Favre, Laure Figeat, Catherine Lambelet