Pinèdes ouvertes
Description
Les pinèdes sylvestres se rencontrent ponctuellement en situation plate ou sur des coteaux en pente2, sur des sols argileux et marneux aux conditions d’humidité changeantes2, où, durant la période hivernale, les sols se gorgent d’eau sous l’effet des précipitations. L’argile tend à accentuer cet effet d’éponge du sol en retenant une grande quantité d’eau, créant ainsi des conditions très hydromorphes*.
Lorsque les beaux jours reviennent, la forte évapo-transpiration* pendant la période de végétation provoque un abaissement de la nappe* et des conditions, qui peuvent devenir très sèches. Ces particularités sont favorables au développement du pin sylvestre (Pinus sylvestris)7, plus concurrentiel dans ces conditions extrêmes que le hêtre ou le chêne, qui constituent les formations forestières dominantes à Genève (voir fiches sur les chênaies et les hêtraies)2.
La physionomie des pinèdes genevoises (Molinio-Pinion: Cephalanthero-Molinietum) se traduit par une strate arborée basse (8 à 12 m)1 et clairsemée. Le faible degré de recouvrement des couronnes des arbres permet l’arrivée de beaucoup de lumière au sol2, un facteur propice au développement d’une strate herbacée* riche et diversifiée. Elle se caractérise par la dominance de grandes graminées à long cycle biologique telles que la molinie faux-roseau (Molinia arundinacea)7, qui peut atteindre près de 2 m à maturité, le brachypode des rochers (Brachypodium rupestre)7 et la laîche glauque (Carex flacca)7. Il est également fréquent d’observer l’anthéric rameux (Anthericum ramosum), l’aster amelle (Aster amellus), le lotier maritime (Lotus maritimus), le peucédan cervaire (Peucedanum cervaria) ou la céphalanthère blanche (Cephalanthera damasonium). Notons que la densité en graminées est généralement plus importante dans les concavités topologiques que sur les buttes. Occasionnellement la strate* herbacée* peut présenter des affinités avec les groupements à genets et à callune (Calluno-Genistion: Genisto germanicae-Callunetum). Dominés par la callune (Calluna vulgaris)7, ils se caractérisent localement par la présence de genets (Genista germanica et G. tinctoria)7. Typiques des substrats acides à humidité changeante, ces ligneux* bas se développent ponctuellement au contact des prairies humides à filipendule à six pétales ou des chênaies à molinie7, toujours de manière fragmentaire.
Où observer
Quand observer
Identité
Profil
Minimum | Moyenne | Maximum |
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2.8 | 2.85 | 2.9 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
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3.2 | 3.25 | 3.3 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
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4 | 4.05 | 4.1 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
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3.95 | 4 | 4.05 |
Value |
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4 |
Le saviez-vous?
Valeur biologique
Les pinèdes ont une importante valeur biologique, qui tient autant à leur rareté aux niveaux cantonal et national, qu’au riche cortège* floristique leur étant associé. La présence de lumière au sol favorise le développement d’une strate* herbacée* diversifiée qui comprend de nombreuses espèces* rares* ou protégées* dans le canton, comme l’épipactis pourpre noirâtre (Epipactis atrorubens)1, la blackstonie perfoliée (Blackstonia perfoliata)1, l’aster amelle (Aster amellus)1 ou l’anthéric rameux (Anthericum ramosum)1. Les orchidées, telles que l’orchis moucheron (Gymnadenia conopsea)1, ou la platanthère à deux feuilles (Platanthera bifolia)1 sont aussi régulièrement présentes.
Sur le plan faunistique, les pinèdes hébergent de nombreux papillons comme la lucine (Hamearis lucina), la bacchante (Lopinga achine) ou l’exigeant damier de la succise (Euphydryas aurinia).
Vulnérabilité et gestion
Les pinèdes ouvertes se développent sur des sols superficiels, pauvres en nutriments* et soumis à des conditions d’humidité changeante (très sèches à très humides). Elles se maintiennent durablement sur les stations les plus extrêmes où la concurrence est limitée par la sécheresse, le manque de fertilité ou l’engorgement du sol5. Dans des conditions plus modérées (ce qui est généralement le cas sur le canton) et en l’absence d’intervention, le pin sylvestre, essence pionnière* caractéristique, est concurrencé par les arbres et les arbustes plus compétitifs (chênes, pruneliers, bourdaine), qui tendent à gagner du terrain.
Jusqu’au début du XXe siècle, l’avancée des ligneux sur ces surfaces était probablement contenue par la pratique régulière d’une pâture extensive. Cela assurait le maintien de ces formations forestières claires, semi-ouvertes, d’une grande richesse* biologique dont la valeur patrimoniale* exceptionnelle a valu aux pinèdes une protection sur le plan national (OPN). Mais l’abandon des modes d’exploitation traditionnelle dès le milieu du XXe siècle va obliger les cantons à mettre en œuvre des mesures de conservation destinées à freiner la fermeture du milieu, qui intervient en quelques années.
La fermeture d’une pinède ouverte n’est pas linéaire; elle passe par plusieurs étapes: après l’arrêt de l’exploitation, la concurrence exercée par les espèces herbacées* limite pour un temps l’installation des buissons. L’abandon de la fauche entraîne une diminution rapide des espèces fleuries au profit de la molinie faux-roseau (Molinia arundinacea), qui se développe en tapis denses et monospécifiques*. Après deux ou trois ans, les premiers arbustes* s’installent. Les tiges sont grêles, peu concurrentielles, mais la logique de colonisation va se poursuivre et finalement s’accélérer. Entre la 6e et la 7e année, on assiste à une véritable explosion des formations buissonnantes.
A ce stade, il devient difficile de faire marche arrière. Le débroussaillage, s’il doit être réalisé, sera long et coûteux. Le gestionnaire doit donc intervenir en amont s’il souhaite conserver la richesse biologique des pinèdes ouvertes. Sa priorité consistera à maintenir une strate* herbacée* caractéristique2, riche en espèces héliophiles*, 2. Pour y parvenir, il convient de contenir l’avancée des ligneux*, tout en mettant en place un régime de fauche adapté. Il est préconisé de maintenir à 20% environ la surface couverte par le rajeunissement et les buissons (jeunes pins et autres espèces arbustives)2. Concernant la strate* arborée, un degré de recouvrement des couronnes à maximum 30-40% est recommandé, en favorisant la dominance du pin sylvestre2. Le maintien sur pied de quelques arbres dépérissants est indiqué; ils deviendront des «arbres-habitats*» convoités par les insectes xylophages*, 2.
Pour la fauche, il est préconisé d’intervenir au maximum une fois par an, et plutôt en fin d’été (de mi-septembre à mi-octobre), afin d’assurer la fructification des végétaux à floraison tardive2. Idéalement, le produit de coupe* doit être laissé au sol entre deux et trois jours pour permettre la dispersion de la petite faune* (insectes, micro-mammifères) et la dissémination* des graines2. Il est ensuite exporté pour être valorisé, ce qui limite l’apport en matière organique* et permet de conserver la pauvreté du sol en nutriments*. Dans la mesure du possible, il convient de faire varier chaque année la date d’intervention afin de favoriser, à tour de rôle, différentes espèces*. Procéder à des interventions sectorisées est également indispensable pour limiter l’impact de la fauche sur la micro-faune (jusqu’à max. 50% de la surface). Cette précaution est notamment essentielle pour les papillons, qui n’ont qu’une seule génération annuelle et dont les chenilles passent l’hiver en groupe, dans des nids de soie filée sur leurs plantes hôtes. Il s’agit, par exemple, du damier de la succise (Euphydryas aurinia) ou de la bacchante (Lopinga achine), deux espèces* menacées*. Si la molinie devient trop dominante, la fauche peut être avancée et réalisée plus précocement2 lors de sa période de floraison* (vers la mi-août)2. La surface fauchée sera également plus importante puisqu’on ne conservera pas plus de 30% en zone refuge*.
Une grande partie des pinèdes du canton est recensée dans l’inventaire fédéral des prairies et pâturages secs (PPS).
Phytosociologie
En 1972, Ellenberg & Klötzli distinguent deux types de pinèdes submontagnardes*, 4 qui se différencient principalement par leur topographie. Le Molinio-Pinetum est propre aux pentes raides instables et présente une sécheresse prolongée, alors que le Cephalanthero-Pinetum colonise des surfaces moins abruptes et bénéficie d’une sécheresse moins marquée4, 5. Ces deux formations sont cependant très proches floristiquement. Dans le projet de cartographie des formations forestières, le canton de Vaud a choisi de les regrouper dans une seule unité: le Molinio-Pinetum6. Dans le présent travail, afin d’être en cohérence avec le Prodrome des végétations suisse (PhytoSuisse), nous reconnaissons le Cephalanthero-Pinetum (EK 62).
EK = Associations forestières selon Ellenberg & Klötzli4