Formations rudérales annuelles et pluriannuelles
Description
Les formations rudérales annuelles et pluriannuelles sont des végétations herbacées* pionnières* et post-pionnières* liées aux zones perturbées et remaniées. Avant tout associés aux activités humaines, ces groupements apparaissent sur des sols exposés aux décapages, sarclages ou piétinements sporadiques et se développent sur les décombres, les gravières, les décharges, les reposoirs* et les remblais, aux abords des voies de communication et des fermes. Ils sont également présents dans les villes et villages, où les zones sous l’influence des perturbations anthropiques* sont nombreuses. Les espèces* rudérales* se rencontrent aussi sur les alluvions des cours d’eaua où la dynamique alluviale* – quand elle peut encore s’exprimer – crée des conditions propices à leur développement.
a. Les zones alluviales* correspondent au milieu* primaire (d’origine) des espèces* rudérales*. C’est avec la forte augmentation des zones anthropisées* (puis la forte diminution des zones alluviales*) qu’elles ont secondairement occupé les milieux* perturbés par les activités humaines, où elles sont largement répandues aujourd’hui.
Les groupements de végétation rudérale* ont des compositions, des hauteurs et des densités différentes selon la disponibilité en eau (sol sec ou frais*) et en nutriments*, le type de substrat (matériaux fins ou grossiers), son origine (anthropique* ou naturelle) ainsi que sa compaction ou encore l’exposition (ensoleillé ou ombragé). L’ancienneté, la fréquence et l’intensité des perturbations ont également une influence sur la composition floristique. Lorsque les perturbations deviennent plus fréquentes et régulières (pratiques agricoles, par exemple), la végétation rudérale* laisse sa place à d’autres groupements, composés d’espèces* à cycle de vie plus court, comme dans les cultures maraîchères, les potagers et les grandes cultures. La présence d’un piétinement régulier est une contrainte intense qui façonne des groupements rudéraux* formés d’espèces* rampantes et appliquées au sol, réunis dans la végétation des terrains piétinés.
La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 1:5’000e les variantes suivantes :
- les groupements d’espèces rudérales pluriannuelles (bisannuelles*) mésophiles du Dauco-Melilotion sont présents en situations pionnières*, sur des sols moyennement riches en nutriments*,1, secs à moyennement secs1. Ces groupements sont souvent liés à des situations ensoleillées1, 2. La végétation, riche en fabacées (des genres Lotus, Melilotus, Medicago) et en asteracées non épineuses (des genres Erigeron, Picris)1, est haute et peu dense3. La picride amère (Picris hieracioides) et la carotte sauvage (Daucus carota) se développent au bord des routes en situation ensoleillée sur sol limono-argileux1. La vipérine commune (Echium vulgare), le mélilot blanc (Melilotus albus) et le mélilot officinal (Melilotus officinalis) se déploient sur des sols secs et graveleux ou caillouteux en bord de voies ferrées et en zones alluviales*, 1. Sur des substrats artificialisés secs peuvent se former des groupements dominés par la luzerne cultivée (Medicago sativa). La vergerette annuelle (Erigeron annuus) peut être dominante sur tout type de substrat1. Des groupements dominés par l’armoise commune (Artemisia vulgaris) sont liés à des sols plus épais en bord de chemin et sur les décharges1. Sur des remblais et alluvions à fraction fine, le lotier corniculé (Lotus corniculatus) est dominant, accompagné du plantain lancéolé (Plantago lanceolata), de luzernes (Medicago lupulina, M. sativa) et de trèfles (Trifolium pratense, T. repens)1. Le panais cultivé (Pastinaca sativa), la réséda jaune (Reseda lutea) et diverses onagres (Oenothera spp.) sont également fréquents dans ce milieu*, 2, tandis que le tussilage (Tussilago farfara) forme une variante en zone semi-ombragée sur sol argileux1.
- les groupements d’espèces rudérales pluriannuelles (bisannuelles* à vivaces*) nitrophiles de l’Arction sont présents en situations pionnières* ou post-pionnières*, sur des sols épais3, riches à très riches en nutriments*, 1, généralement à granulométrie* fine1 et plutôt frais*, 3 (non marqué par une phase sèche estivale1). La végétation est riche en asteracées épineuses (des genres Arctium, Carduus, Cirsium)1 à feuillage large et à floraison estivale3. A proximité des fermes et dans les zones de reposoirs*, sur sol compacté, les groupements de l’Arction sont formés de la bardane commune (Arctium lappa), de la bardane à petits capitules (Arctium minus), accompagnées du rumex à feuilles obtuses (Rumex obtusifolius) et de l’armoise commune (Artemisia vulgaris)1. Des variantes moins luxuriantes se forment au bord des routes et à proximité des habitations avec la grande mauve (Malva sylvestris), l’orge des rats (Hordeum murinum) et le diplotaxis à feuilles ténues (Diplotaxis tenuifolia)1. Sur sol non compacté peuvent se développer des variantes dominées par le cirse des champs (Cirsium arvense), associé à l’ortie (Urtica dioica) et au chiendent rampant (Agropyron repens), ou par l’épilobe à quatre angles (Epilobium tetragonum)1. Des espèces* comme le cirse commun (Cirsium vulgare) et le géranium des Pyrénées (Geranium pyrenaicum) sont fréquentes dans ce milieu2.
- les groupements d’espèces rudérales annuelles du Sisymbrion sont présents sur des sols récemment perturbés1, moyennement riches en nutriments*, 1 et généralement à granulométrie* fine (limoneuse à argileuse). Cette végétation thermophile* se développe sur des zones remaniées à proximité des habitations1 et sur les terrains agricoles récemment abandonnés2. Le sisymbre officinal (Sisymbrium officinale) et la petite mauve (Malva neglecta) sont fréquents2, l’orge des rats (Hordeum murinum) et le plantain lancéolé (Plantago lanceolata) sont dominants au pied des arbres, aux abords des voies de communication, dans les zones légèrement exposées au piétinement1. Sur substrats secs et en situations exposées, typiquement dans les zones urbanisées, se développent des groupements formés par la laitue serriole (Lactuca serriola), la vergerette du Canada (Conyza canadensis), le diplotaxis à feuilles ténues (Diplotaxis tenuifolia) et divers passerages (Lepidium spp.)1. Aux abords des haies et en lisière se développent des groupements dominés par le brome stérile (Bromus sterilis), accompagné d’espèces nitrophiles* des lisières, qui marquent la transition vers les ourlets eutrophes1.
- les groupements de friches à chiendent (Covolvulo-Agropyrion) sont présents en situations post-pionnières*, 1. Ils font suite aux végétations du Sisymbrion ou du Dauco-Melilotion, sur des sols secs à frais*, 1, 3 et riches en nutriments*, 1. Ils se développent en formations denses en bord de routes ou de champs, sur des remblais et des terrains agricoles abandonnés1, 3 et sont dominés par le chiendent rampant (Elymus repens)1, parfois accompagné d’espèces* comme le brome sans arêtes (Bromus inermis)2, la chicorée sauvage (Cichorium intybus)2, le cirse des champs (Cirsium arvense)1 ou la saponaire officinale (Saponaria officinalis)2. Sur substrat artificialisé et sec des zones urbanisées (gares, centres-villes), le chiendent rampant est accompagné par la linaire commune (Linaria vulgaris) ou par des néophytes* comme le passerage drave (Cardaria draba) et la luzerne cultivée (Medicago sativa)1. Les friches à chiendent se retrouvent également dans la catégorie des formations graminéennes rudérales.
Où observer
Quand observer
Identité
Profil
Minimum | Moyenne | Maximum |
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2.1 | 2.4 | 2.6 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
3.1 | 3.3 | 3.4 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
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3.6 | 3.8 | 4 |
Minimum | Moyenne | Maximum |
---|---|---|
3.6 | 3.8 | 4 |
Value |
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3 |
Le saviez-vous?
Valeur biologique
Les milieux* rudéraux* hébergent une flore riche et variée. La végétation du Sisymbrion est particulièrement diversifiée et comprend de nombreuses espèces* thermophiles*, 2, dont certaines sont rares* et protégées* à Genève, comme le chardon à petites fleurs (Carduus tenuiflorus), le passerage à feuilles de graminées (Lepidium gramninifolium) et le rumex élégant (Rumex pulcher)4, 5. La végétation de l’Arction se singularise par sa floraison estivale et son développement important, offrant des structures à la petite faune aux abords des fermes. C’est également dans ce groupement que se déploie l’agripaume cardiaque (Leonurus cardiaca), une plante médicinale devenue rare*, 2 qui est protégée* à Genève4, 5. Quant au Dauco-Melilotion, il n’abrite pas d’espèce* spécialement rare*, mais il comporte une grande diversité d’espèces*.
Globalement, la végétation rudérale* compte beaucoup d’espèces* nectarifères comme les mélilots (Melilotus spp.), les cirses (Cirsium spp.) ou les bardanes (Arctium spp.). Avec ses riches floraisons estivales, elle fournit des structures et de la nourriture indispensables à la petite faune, que ce soit en contexte urbain ou en zones agricoles. Parallèlement, les milieux pionniers* au sol nu sont les biotopes* de prédilection d’animaux géophiles (vivant sur les sols nus) tels que des criquets, dont l’œdipode turquoise (Oedipoda caerulescens), des guêpes fouisseuses, des abeilles sauvages nichant dans le sol ou certaines espèces* de fourmis2. Ces milieux* ouverts peuvent également offrir, lorsqu’ils sont suffisamment étendus, un habitat* de substitution pour des espèces* des bancs de graviers alluviaux*, 3, comme le petit gravelot (Charadrius dubius).
Vulnérabilité et gestion
Les milieux* rudéraux* sont globalement en régression dans toute la Suisse2. Ils disparaissent sous le goudron, le béton ou du fait de l’exploitation agricole intensive qui laisse peu de place libre à la végétation rudérale* dans le paysage. Les herbicides, auxquels la flore rudérale* est sensible2, et la gestion «propre en ordre» nuisent également aux espèces* rudérales*. Selon la Liste rouge des milieux naturels de Suisse6, le Sisymbrion, le Dauco-Melilotion et le Convolvulo-Agropyrion ont un statut «vulnérable» et l’Arction est «en danger».
Quelques principes permettent de favoriser la végétation rudérale*: limiter les zones imperméabilisées, laisser la végétation spontanée s’installer en ville comme dans l’espace agricole et renoncer au «propre en ordre». Ces mesures visant à limiter l’intensité de l’entretien nécessitent une tolérance pour les «herbes folles», voire une reconnaissance du rôle écologique des espèces* rudérales* et des friches en général. Parallèlement, une surveillance doit être effectuée sur les néophytes* invasives*, qui s’implantent facilement dans ces zones*, 2, 3.
Les milieux* rudéraux* sont en effet accueillants pour les néophytes*, 2, 3 (terrains nus, azote en quantité, conditions chaudes). Le canton de Genève, de par sa position géographique, est particulièrement sujet à leur arrivée et nombre d’entre elles se rencontrent dans les milieux* rudéraux* du canton (surtout dans le Dauco-Melilotion): la crépide élégante (Crepis pulchra), la crépide hérissée (Crepis setosa), la picride vipérine (Picris echioides), ainsi que des néophytes* invasives* telles que l’armoise des frères Verlot (Artemisia verlotiorum) ou la vergerette annuelle (Erigeron annuus).
Autrement, ces milieux* spontanés liés à des perturbations ne nécessitent pas de gestion particulière. Le cas échéant, il est difficile de les maintenir, car leur évolution est inéluctable quelles que soient les interventions effectuées. Pour les prolonger le plus longtemps possible, il s’agit de ne pas les faucher et encore moins de les broyer (ces traitements favorisent l’évolution de la végétation), mais d’entretenir en arrachant les plantes trop dominantes, les ligneux* et les espèces pérennes* qui s’installent. Les espaces ainsi créés par ces interventions, légèrement perturbés, créeront de la place pour permettre au milieu* de se régénérer.
En ville, dans les villages ou autres zones urbanisées, des surfaces rudérales* peuvent être maintenues ou créées sur les accotements routiers et les pieds d’arbres. Lors d’aménagements, il est possible de poser du gravier et de le laisser nu pour permettre l’installation d’espèces* spontanées7.
En zone agricole, les surfaces rudérales peuvent également être favorisées sur les remblais, les talus et les décombres et déclarées comme surface de promotion de la biodiversité (rarement réalisé dans la pratique), ce qui implique un entretien automnal bi-trisannuel et l’abandon de la fumure* et des herbicides8. De manière générale, la présence de zones non exploitées et l’entretien extensif* et tardif des abords des fermes seront favorables aux milieux* rudéraux* et à la biodiversité*.
Cartographie
Les formations rudérales annuelles et pluriannuelles se rencontrent souvent sur des surfaces de petite taille et leur présence est généralement temporaire. Ainsi, elles échappent facilement à la cartographie. La surface que ces milieux occupent est vraisemblablement sous-estimée dans la carte des milieux naturels du canton.