Cultures maraîchères

Polygono-Chenopodion / Veronico-Euphorbion / Panico-Setarion

Description

Les cultures maraîchères sont des cultures sarclées, en plein air, de végétaux herbacés* très diversifiés (salades, concombres, courges, radis, fenouils, etc.). On y retrouve des végétaux issus de nombreuses familles botaniques (brassicacées, apiacées, solanacées, cucurbitacées, amaryllidacées, astéracées, amaranthacées, fabacées, etc.). A Genève, si la majorité des surfaces dévolues à la culture maraîchère sont situées en plein champ (environ 140 hectares), une partie de la production est réalisée sous des serres fixes ou des tunnels temporaires (soit environ 60 hectares)1.

Afin d’améliorer les rendements, les parcelles sont soumises à un entretien intensif*: travail du sol, apport d’engrais, arrosage, traitements phytosanitaires. Toutefois, une flore spontanée nitrophile* parvient à s’installer sur ces sols riches en eau et en nutriments*. Les espèces* spontanées se développant dans les cultures maraîchères et les grandes cultures ont certaines caractéristiques qui leur permettent de s’implanter dans ces milieux*: développement rapide, cycle de vie annuel, résistance aux herbicides pour certaines d’entre elles, graines persistant longtemps dans le sol. Parmi ces espèces* végétales se rencontrent un bon nombre de néophytes*, dont diverses espèces* d’amarantes (Amaranthus spp.) et de galinsogas (Galinsoga spp.), originaires du continent américain2.

Le développement des différents groupements de végétation spontanée dans les surfaces cultivées dépend des caractéristiques du sol (granulométrie*, pH*) et du type de traitement du sol (sarclage, labour). Les groupements végétaux présents dans les cultures maraîchères sont à peu près les mêmes que ceux présents dans les potagers, mais les unités les plus fréquentes diffèrent. Ainsi, le Polygono-Chenopodion est bien représenté dans les cultures maraîchères, tandis que dans les potagers, ce sont plutôt les groupements du Veronico-Euphorbion qui sont les plus répandus.

La carte cantonale des milieux présente à l’échelle du 1: 5000e la catégorie des cultures maraîchères, dans lesquelles plusieurs variantes de végétation spontanée peuvent être rencontrées:

  • les groupements à millet capillaire et chénopode polysperme (Polygono-Chenopodion: Panico-Chenopodietum) colonisent les sols frais*, acides, riches en matière organique3. Ils sont bien représentés dans les cultures maraîchères intensives et les potagers3. Ils se caractérisent par la présence de l’amarante bleuâtre (Amaranthus blitum) et du céraiste aggloméré (Cerastium glomeratum), ainsi que par la dominance du chénopode polysperme (Chenopodium polyspermum)3, souvent associé à la renouée persicaire (Polygonum persicaria)3.
  • les groupements à tabouret des champs et fumeterre officinale (Veronico-Euphorbion: Thlaspio-Fumarietum) colonisent les sols limoneux pouvant présenter parfois quelques traces d’argile, faiblement alcalins et riches en nutriments*,3. Dominés par la fumeterre officinale (Fumaria officinalis)3, ils hébergent des espèces à forte vitalité comme le laiteron rude (Sonchus asper)3, la véronique de Perse (Veronica persica)3 et le coquelicot (Papaver rhoeas)3.
  • les groupements à échinochloa pied-de-coq et à sétaire glauque (Panico-Setarion: Echinochloo-Setarietum) colonisent les sols limoneux à sableux, acides et riches en matière organique3. Ils sont ordinairement dominés par la sétaire glauque (Setaria pumila)3 et/ou la sétaire verte (Setaria viridis)3, souvent associés aux amarantes (Amaranthus spp.)3, à l’échinochloa pied-de-coq (Echinochloa crus-galli) et à la digitaire sanguine (Digitaria sanguinalis)3. Ils peuvent se développer dans les cultures maraîchères, mais ils présentent leur optimum dans les champs de maïs3 (grandes cultures).

Des groupements à sétaire verticillée et à sétaire verte (Panico-Setarion: Setarietum virido-verticillatae) sont susceptibles d’exister de manière fragmentaire dans le canton. Typiques des sols sableux à limoneux-sableux, acides, riches en matière organiques et compactés3, ils sont ordinairement dominés par la sétaire verticillée (Setaria verticillata)3, souvent associée à la sétaire verte (Setaria viridis)3 et au pissenlit officinal (Taraxacum officinalis)3. Ils n’ont toutefois pas été observés jusqu’à présent.

Où observer

Un peu partout en zone agricole.

Quand observer

De mai à septembre, durant toute la saison d’exploitation en plein air.

Profil

Surface en hectares
137
Pourcentage du canton occupé
0.48%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
2.95 3 3.05
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
3.1 3.15 3.2
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
3.95 4 4.05
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
4 4.05 4.1
Naturalité
Value
2

Le saviez-vous?

Le légume genevois le plus cultivé en termes de surface pleine terre est la courge, suivi du haricot. Les tomates sont, quant à elles, cultivées sous serre par les exploitants avec une surface de production de plus de 22 hectares en 2016. La production pleine terre de ce fruit a quasiment disparu pour des raisons de concurrence. Le cardon, légume traditionnel de la culture maraîchère genevoise et reconnu comme AOP, est produit sur environ 8 hectares. Plus de 35 hectares sont cultivés en production biologique (soit en pleine terre, soit sous serre), avec une grande variété de légumes sur de faibles surfaces.

Valeur biologique

Les cultures maraîchères sont des surfaces très entretenues qui présentent un intérêt biologique limité. Particulièrement peu sensible à l’usage d’herbicides, la flore spontanée qui s’y développe est banale. Elle offre cependant un peu de structure qui peut être exploitée par la petite faune2. Certains insectes, comme le taupin des salades (Agriotes sputator) ou le carabe doré (Carabus auratus) tirent profit de ces surfaces en les exploitant comme un garde-manger abondant et facile d’accès. Le crapaud calamite (Epidalea calamita), espèce habituellement associée aux zones alluviales*, peut y trouver un habitat* de substitution, en particulier s’il existe un plan d’eau à proximité.

Le saviez-vous?

Les zones franches, situées dans le pays de Gex et en Haute-Savoie, ont historiquement été établies lors du rattachement de Genève à la Confédération. Elles sont issues des découpages géopolitiques du congrès de Vienne en 1815, puis des accords du traité de Turin en 1816, et s’inscrivent dans un historique d’accords complexes de maillage des terres genevoises entre différentes entités genevoises, françaises et savoyardes. Deux zones franches de droits de douane ont ainsi été maintenues afin de garantir l’approvisionnement de Genève qui, lors de son rattachement à la Suisse, n’avait que 4,5 km de frontière commune avec la Suisse pour plus de 100 km avec la France. Ces zones franches étaient donc nécessaires au désenclavement de Genève. Elles sont encore en vigueur actuellement et ont été reconnues en 2015 par la Confédération comme répondant aux critères « Swissness ». En d’autres termes, les produits provenant de ces territoires, pour autant qu’ils répondent à toutes les réglementations suisses, peuvent prétendre à l’obtention de ce label suisse. Ce récent exemple montre l’attachement réciproque à ces territoires et leur rôle encore actuel pour le renforcement des Situation des zones franches encore en force aujourd’hui (en orange et en gris). filières de production et de l’approvisionnement suisse.

Vulnérabilité et gestion

Evolution historique

A Genève, comme dans la plupart des cités du Moyen Age, les jardins maraîchers étaient installés «extra-muros», soit en dehors des murailles de la cité, tout en restant situés à proximité de cette dernière. Cela permettait d’être près de la clientèle et de profiter de ses engrais (c’est-à-dire des prélèvements dans les fosses d’aisances). Les marécages, anciens marais ou autres terres inondables étaient particulièrement adaptés aux cultures maraîchères, car leur terre est riche en éléments nutritifs*. Au Ve siècle, les cultures maraîchères constituaient déjà une ceinture verte autour de la ville de Genève4. A la fin du XVIe siècle, les premiers immigrés huguenots y installèrent également leurs cultures maraîchères. L’activité se développa encore au XVIIe siècle avec l’arrivée d’une seconde vague d’immigration, provoquée par la révocation de l’Edit de Nantes5. Les autorités genevoises les installèrent dans les secteurs situés entre l’Arve et le Rhône, le plus connu et réputé étant Plainpalais4, 5 (étymologiquement «plana palus» qui signifie «plaine marécageuse»6).

Outre leurs connaissances des techniques culturales, les réfugiés huguenots apportèrent également leurs graines sélectionnées et, parmi elles, des variétés qui font aujourd’hui encore la typicité du canton. La plus connue est sans doute le cardon épineux (devenue une AOP genevoise), mais on peut également citer des choux-fleurs hâtifs, des choux frisés à pied court, des choux rouges plats hâtifs ou les artichauts violets6.

L’activité maraîchère se développa et perdura à Plainpalais jusqu’au début du XIXe siècle, époque à laquelle la Ville de Genève entreprit de démanteler ses fortifications pour s’agrandir5. L’essor économique du canton et son urbanisation, couplés à la concurrence des productions étrangères accrue par le développement du rail, sonnèrent véritablement le glas de cette spécificité maraîchère à Plainpalais5. La plupart des cultivateurs renoncèrent à leur activité et s’orientèrent vers le secteur des banques, du négoce ou de l’industrie4, 5. Au cours du XXe siècle, les maraîchers, comme la plupart des agriculteurs suisses, connurent une intensification des pratiques et des rendements7. L’extension des terres cultivables obtenues par l’assèchement et le drainage des marais et des zones humides, l’arrivée des produits phytosanitaires, la mécanisation du travail, ainsi que les nouveaux modes de production (sous tunnel, sous serre) accrurent alors considérablement les quantités produites tout en diminuant la pénibilité du travail7.

Dès les années 1950, la Confédération mit en place des mesures de protection douanière pour les cultures maraîchères avec le régime des phases. Même s’il a évolué depuis, ce système est encore en place aujourd’hui. Ces protections différencient les légumes exotiques, auxquels aucune restriction à l’importation ne s’applique, de ceux produits en Suisse. Pour ces derniers, les importations sont interdites lorsque la production nationale suffit pour l’approvisionnement du pays4, 8. Par contre, si la production nationale ne couvre que partiellement le marché interne, des importations sont possibles sous quota4, 8.

La filière maraîchère aujourd’hui

L’activité maraîchère reste encore importante à Genève. Les cultures maraîchères genevoises concernent une surface de près de 220 hectares, dont environ 60 sous abris (tunnels ou serres). Actuellement, à part quelques exceptions chez des petits producteurs, l’entier de la production s’effectue sous le label local Genève Région Terre Avenir ou sous le label bio. En saison, la production des maraîchers genevois couvre une très grande partie des besoins de la population du canton. On atteint, par exemple, 90% d’autoproduction pour la tomate entre les mois de juin à septembre, et 70 à 80% pour le début et la fin de la saison (soit les mois de mai et octobre)1, 6, 9. Depuis une dizaine d’années, les initiatives de rapprochement entre les producteurs et les consommateurs se sont multipliées. Les précurseurs ont été les Jardins de Cocagne, une coopérative pratiquant l’agriculture contractuelle depuis 1978. Depuis, plusieurs autres initiatives ont suivi. Si les quantités écoulées par ces filières alternatives sont minimes en comparaison des canaux traditionnels (probablement environ 2 à 3% de la consommation), elles offrent un rapprochement intéressant entre producteurs et consommateurs et sont probablement vouées à un bel avenir.

Mis à part ces initiatives, les filières d’approvisionnement et de consommation passent largement par la grande distribution et le marché de gros où, après la récolte, les légumes doivent encore être triés, parfois lavés, stockés, puis emballés avant d’être proposés dans les étalages des magasins ou des marchés.

Mode de production

La production maraîchère a toujours été intensive (en main-d’œuvre, en besoin d’engrais, en infrastructures, etc.). Elle est devenue, ces dernières décennies, de plus en plus élaborée avec le développement de méthodes culturales de très haute technicité. Ainsi, les cultures de certaines plantes fragiles, mais très consommées, telles que la tomate, le concombre, l’aubergine et la fraise, sont produites quasi exclusivement sous abri. Il s’agit de productions sous tunnel en terre, sous tunnel hors-sol, sous serre en terre ou sous serre hors-sol, selon l’équipement à disposition de l’entreprise et les besoins des cultures. Ces abris, devenus désormais indispensables pour faire face à la concurrence et répondre aux besoins des consommateurs, permettent d’obtenir une production pendant une saison prolongée, de gérer le climat (température et humidité) et d’apporter aux plantes l’eau et les éléments nutritifs strictement nécessaires. Pour les travailleurs, les cultures suspendues et la haute mécanisation représentent également un fort soulagement physique. Les cultures hors-sol sont en effet produites sur des pains suspendus dans des glissières à quelques dizaines de centimètres du sol.

D’un point de vue environnemental, si les écobilans affichent des «coûts» environnementaux élevés à cause des besoins énergétiques et du poids écologique des infrastructures, ils sont néanmoins compétitifs vis-à-vis de cultures en plein champ, si on considère la production décuplée, la minimisation des produits phytosanitaires et le recyclage de l’eau et des engrais. En effet, les substrats hors-sol reçoivent l’eau et les éléments nutritifs nécessaires et les solutions non utilisées par les plantes sont récupérées, traitées puis réinjectées. Le suivi de ces flux est informatisé. Des analyses régulières des solutions nutritives, de même que du climat des serres, permettent de réguler précautionneusement l’environnement et les apports. Par exemple, l’ouverture et la fermeture des baies vitrées suffisent généralement à prévenir toutes maladies fongiques, évitant ainsi les traitements chimiques. Les ravageurs sont, quant à eux, régulés par des méthodes biologiques (auxiliaires*), ce qui est particulièrement aisé dans un milieu confiné tel que les serres. La pollinisation est assurée par des lâchers de bourdon10.

Dynamique

Ces végétations sont tributaires de l’exploitation et ne présentent pas de dynamique naturelle.

Auteurs

Sophie Pasche, Catherine Bertone, Anne-Laure Maire, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier

Collaborateurs

Laure Figeat