Voies ferrées

Scrophularion juratensis, Dauco-Melilotion

Description

La catégorie «voies ferrées» correspond aux surfaces occupées par le ballast et les abords directs des voies, souvent composées d’un lit de pierres concassées. Destinés à stabiliser les voies en absorbant le poids des convois1, 2, les blocs sont généralement en grès calcaire ou en calcaire siliceux2. Sur les axes soumis à un important trafic ferroviaire, les surfaces pierreuses, très sèches et bien exposées, sont régulièrement traitées aux désherbants. Sur les réseaux périphériques moins entretenus ou sur les lignes désaffectées, il est possible d’observer des espèces* pionnières* ou rudérales* adaptées au manque d’eau prolongé.

La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 5’000e les variantes suivantes:

  • les groupements à galéopsis à feuilles étroites (Scropularion juratensis: Galeopsietum angustifoliae) se développent généralement sur des graviers ou cailloux calcaires instables et fins (en général de 1 à 10 cm de diamètre)4. Dominés par le galéopsis à feuilles étroites (Galeopsis angustifolia)4, ils sont présents en situation secondaire* le long des voies de chemins de fer délaissées4, mais également sur les bancs de galets aux abords des cours d’eau où ils constituent le faciès «sec» des glariers végétalisés.
  • les groupements à épilobe et scrofulaire (Scrophularion juratensis : Epilobio-Scrophularietum) se développent sur des galets calcaires grossiers (diamètre supérieur à 10 cm)4. Dominés par l’épilobe romarin (Epilobium dodonaei)4 ou la scrofulaire des chiens (Scrophularia canina)4, ils se rencontrent en situation secondaire* sur les ballasts4 abandonnés et aux abords des voies4. En zone alluviale, cette formation est également caractéristique du faciès «sec» des glariers végétalisés.
  • les groupements à carotte sauvage et à mélilot (Dauco-Melilotion) sont des unités rudérales* pionnières. Elles se développent sur des substrats fins (Dauco-Picridetum, Poo-Tussilaginetum) ou grossiers (Echio-Melilotetum, Groupement à Medicago sativa), toujours bien exposés et plutôt riches en nutriments*. Ils sont composés d’espèces à racine pivotante capables d’aller chercher l’eau profondément dans le sol comme les mélilots (Melilotus albus et M. officinalis), la picride amère (Picris hieracioides) ou la carotte sauvage (Daucus carota). Il est également possible d’y rencontrer la luzerne cultivée (Medicago sativa), souvent accompagnée d’espèces xérothermophiles* comme le millepertuis perforé (Hypericum perforatum) ou de néophytes* telle la passerage drave (Cardaria draba). En zone alluviale, cette formation constitue le faciès «frais» des glariers végétalisés.

Où observer

Sur le ballast des chemins de fer, aux abords des voies ou dans les gares. Attention, soyez vigilant dans vos déplacements et, pour votre sécurité, ne vous aventurez pas sur les voies.

Quand observer

Toute l’année.

Profil

Surface en hectares
90.2
Pourcentage du canton occupé
0.30%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
2 2.3 2.6
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
3.3 3.4 3.7
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
2.4 3 3.3
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
3 3.5 4
Naturalité
Value
2

Le saviez-vous?

Avant sa destruction par le chantier du CEVA*, la gare des Eaux-Vives était l’un des sites floristiques les plus remarquables de la ville de Genève. Mise en service pour la première fois en 1888, afin de relier Genève à Annemasse et Evian-les-Bains, elle fut partiellement abandonnée dès la fin des années 1990. La forte diminution de trafic, couplée à l’abandon de l’entretien du site, a alors permis le développement d’une végétation pionnière* avec l’apparition d’un cortège d’espèces* habituellement associées aux dalles de pierre (par ex. <i>Crepis foetida</i>, <i>Linaria repens</i>).

Valeur biologique

Peu nombreuses, les voies ferrées soumises à un entretien extensif accueillent de nombreuses espèces* pionnières* et rudérales*. Les sites les plus favorables à la biodiversité* sont les surfaces délaissées par l’exploitation ferroviaire, sur lesquelles se développe un grand nombre d’espèces* communes telles que le galinsoga cilié (Galinsoga ciliata), le bec de grue commun (Erodium cicutarium)7, la petite éragrostide (Eragrostis minor)6 ou le catapodium raide (Catapodium rigidum)6. On y retrouve aussi quelques raretés comme le torilis des champs (Torilis arvensis)7 ou l’orpin rougeâtre (Sedum rubens)6, menacé* sur le Plateau suisse. Un observateur averti pourra même détecter la présence de mousses (Grimmia orbicularis, Pseudocrossidium revolutum)7 menacées* au niveau suisse, ainsi que quelques lichens* (Endocarpon pusillum, Toninia sedifolia)7 en danger d’extinction à l’échelle cantonale7. Les dépôts caillouteux, bien exposés et peu fréquentés, sont des sites appréciés des reptiles comme le lézard des murailles (Podarcis muralis) ou, plus rarement, la vipère aspic (Vipera aspis).

Notons que les voies ferrées abandonnées ou les talus ferroviaires adjacents peuvent constituer de véritables corridors biologiques* propices au déplacement des espèces*, pour autant toutefois que des aménagements adaptés soient réalisés sur le linéaire.

Vulnérabilité et gestion

L’habitat d’origine de la flore* des voies ferrées est celui des éboulis ou des sols remaniés, mais non cultivés (bords de chemin, terrains vagues)3. Ces milieux* ont fortement régressé, notamment suite à l’intensification des pratiques d’entretien (broyages intensifs, uniformisation) et au bétonnage régulier des surfaces3, qui s’est accéléré au XXe siècle. Les ballasts de chemins de fer constituent donc, au même titre que les glariers végétalisés en zone alluviale, de précieux sites de repli pour les espèces rudérales*, 3, dont un certain nombre est aujourd’hui menacé* au niveau national3.

Pour favoriser leur maintien, une utilisation raisonnée des désherbants sur les voies pourrait être mise en place en accord avec les exploitants. Dans l’idéal, il s’agirait de limiter le nombre de traitements pour permettre le développement de la flore* indigène*, en particulier sur les surfaces secondaires adjacentes au ballast qui ne nécessitent pas d’entretien sécuritaire. Parallèlement, le développement des invasives* doit être surveillé. Il convient de limiter leur expansion en éradiquant au plus vite les foyers existants.

Comme les grands axes routiers, les voies ferrées contribuent à la fragmentation des écosystèmes*. Toutefois, moyennant quelques aménagements, elles peuvent se transformer en corridors biologiques* et faciliter le déplacement de la faune*. Il est, par exemple, préconisé de disposer des murgiers (tas de cailloux plus grossiers que le ballast) le long des voies afin d’offrir des refuges aux reptiles.

Espèces

Flore vasculaire
Petite linaire Chaenorrhinum minus
Carotte sauvage Daucus carota
Epilobe romarin Epilobium dodonaei
Galéopsis à feuilles étroites Galeopsis angustifolia
Galinsoga cilié Galinsoga ciliata
Géranium herbe à Robert Geranium robertianum
Géranium pourpre Geranium robertianum subsp. purpureum
Mélilot blanc Melilotus albus
Mélilot officinal Melilotus officinalis
Picride amère Picris hieracioides
Rumex à écussons Rumex scutatus
Scrofulaire des chiens Scrophularia canina
Séneçon visqueux Senecio viscosus
Reptiles
Lézard des murailles Podarcis muralis
Vipère aspic Vipera aspis
Plantes invasives
Buddleia de David Buddleja davidii
Vergerette annuelle Erigeron annuus
Séneçon du Cap Senecio inaequidens
Auteurs
Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier