Roselières

Oenanthion aquaticae / Equisetion fluviatilis / Caricion davallianae / Phragmition australis / Cicution virosae / Cirsio-Bolboschoenion

Description

Les roselières sont des groupements aquatiques ou marécageux de plantes herbacées* de grandes tailles, situés à l’interface entre la terre et l’eau, qui peuvent atteindre plus de 3 m de hauteur. Elles constituent le plus souvent une ceinture de végétation autour des plans d’eau, mais elles peuvent aussi former des cordons linéaires le long des rivières.

La carte cantonale regroupe à l’échelle du 1:10’000e et du 1: 5’000e les six variantes suivantes :

  • les groupements pionniers* à œnanthe aquatique (Oenanthion aquaticae) des eaux stagnantes ou à faible écoulement6, 7 s’installent dans des secteurs ensoleillés6 ou parfois légèrement ombragés7.
    Ils s’implantent au bord des étangs à variation de niveau (de 0,3 à 0,5 m)7, le long des fossés ou sur les berges des rivières à écoulement lent6 . Leur sol est riche en éléments nutritifs, inondé une partie de l’année et s’assèche généralement en surface lors de la période estivale7.
    La végétation herbacée forme de petits peuplements assez ouverts6 qui constituent les stades pionniers* des roselières (Phragmition)7. Le fluteau commun (Alisma plantago-aquatica)7 est certainement l’espèce la plus typique de ces formations à l’échelle cantonale. Très ponctuellement, il peut être accompagné du cresson amphibie (Rorippa amphibia)7, une plante rare et protégée à Genève. L’œnanthe aquatique (Oenanthe aquatica), qui donne son nom à l’alliance phytosociologique de l’Oenanthion aquaticae, est absente du canton. 
  • les groupements pionniers à prêle limicole (Equisetion fluviatilis) s’établissent sporadiquement au front des roselières, sur les bords des lacs, étangs ou mares, en eaux peu profondes. Ils sont dominés par l’héléocharis des marais (Eleocharis palustris) ou plus rarement par la prêle limicole (Equisetum fluviatile).
  • les groupements pionniers à jonc noueux (Caricion davallianae: Juncetum subnodulosi) occupent des surfaces réduites de quelques centaines de mètres carrés. Très rares sur le canton, ils sont dominés par le jonc noueux (Juncus subnodulosus), qui pousse en populations monospécifiques* sur les terrains fraîchement perturbés (zones récemment restaurées, passages d’engins). 
  • les roselières aquatiques (Phragmition australis) se rencontrent au bord des lacs ou des étangs9 à niveau d’eau peu fluctuant (variation de niveau ordinairement moins de 1 m) ou dans les petits cours d’eau à faible écoulement; des situations qui leur permettent de garder un système racinaire immergé toute l’année. Elles se développent habituellement sur des sols vaseux pauvres en oxygène, ce qui favorise l’accumulation de matière organique* à leur surface1.
    Les roselières aquatiques typiques forment des peuplements denses et hauts de plantes herbacées (quelquefois plus de 3 m)5 dominés par le roseau commun (Phragmites australis)1, 7, 9. Ce dernier pousse en colonies serrées, le plus souvent monospécifiques*, 3, 5, 7.
    De part et d’autre de cette formation, il est possible d’observer des groupements pionniers : face au front d’eau, c’est le jonc des tonneliers (Schoenoplectus lacustris)1, 7, 9 qui s’établit en populations lâches souvent fragmentées ; dans les zones d’atterrissement, le roseau commune cède la place aux massettes (Typha angustifolia, Typha latifolia)1, 7, 9, ponctuellement accompagnées dans les parties exondées l’été, du gaillet des marais (Galium palustre)7 ou de la renoncule vénéneuse (Ranunculus sceleratus)7.
  • les pseudo-roselières ou roselières terrestres (Cicution virosae) se rencontrent au bord des étangs sur des surfaces déjà progressivement atterries*. Elles sont présentes sur des sols riches en humus*, engorgés en permanence en profondeur, mais s’asséchant superficiellement durant la période estivale7. Il s’agit généralement de groupements de contact avec les roselières aquatiques (Phragmition) et les magnocariçaies ou les roselières à alpiste (Phalaridion)7.
    Elles sont souvent dominées par le roseau commun (Phragmites australis) qui forme des peuplements denses et monospécifiques*, 7, accompagné de la morelle douce-amère (Solanum dulcamara), parfois associés à l’alpiste (Phalaris arundinacea)7 ou à l’iris jaune (Iris pseudacorus)7. Elles peuvent occasionnellement comporter la laîche souchet (Carex pseudocyperus)7, 9 ou la scrophulaire auriculée (Scrophularia auriculata)9. L’abaissement de la nappe* d’eau durant la belle saison permet la libération d’une importante quantité de substances nutritives* par la minéralisation* de la matière organique*, 7 qui favorise la présence d’espèces rudérales* nitrophiles* non aquatiques comme l’ortie (Urtica dioica)7 ou le solidage géant (Solidago gigantea)7.
  • les groupements glauques à schoenoplectus de Tabernaemontanus (Cirsio-Bolboschoenion) occupent de manière plus ponctuelle les sols salés ou riches en calcium7. Dominés par le schoenoplectus de Tabernaemontanus (Schoenoplectus tabernaemontani), ils se développent notamment dans les fossés, sur les rives ou au sein des mares temporaires7, comme aux Creuses dans les marais de Sionnet (Meinier).

Où observer

Les plus belles roselières naturelles du canton sont certainement celles de la réserve de Pointe-à-la‑Bise (Collonge-Bellerive) et celles situées au Moulin de Vert (Cartigny) sur l’ancien bras du Rhône. Il est aussi possible d’en rencontrer régulièrement le long du Rhône ou en marge des plans d’eau, par exemple aux marais de Sionnet (Meinier, Choulex), ou au marais des Fontaines (Meyrin).

Quand observer

Les roselières présentent un intérêt toute l’année : reproduction des amphibiens en mars-avril, arrivée de l’agile blongios nain entre mai et août, observation des oiseaux d’eau en hiver.

Profil

Surface en hectares
30
Pourcentage du canton occupé
0.10%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
4.1 4.5 5
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
2.9 3 3.1
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
3 3.5 3.9
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
4.5 4.75 5.9
Naturalité
Value
4

Le saviez-vous?

En plus d’une forte aptitude à la croissance végétative*, le roseau produit de nombreuses graines très légères. Dispersées par le vent sur de longues distances, elles permettent la colonisation de nouveaux sites. Cette caractéristique fait du roseau commun (Phragmites australis subsp. australis) une des espèces végétales les plus envahissantes du nord-est de l’Amérique du Nord. Là-bas, c’est un vrai compétiteur qui colonise les marais, les fossés et les talus de route au détriment de la sous-espèce locale (Phragmites australis subsp. americanus). Pour étudier ce phénomène, un groupe de chercheurs québécois s’est formé depuis 2003. Ils proposent une série de mesures pour limiter cette propagation en terres canadiennes, notamment en diminuant au maximum le nombre de terrains humides, sans couvert végétal, laissés à l’air libre. Sur les fossés de drainage routier, ils proposent par exemple d’ensemencer les sols avec des mélanges grainiers ou de planter des arbustes tolérants à l’humidité qui empêcheront l’établissement du roseau par compétition pour la lumière.

Valeur biologique

Véritables zones de transition entre les milieux purement aquatiques et les milieux terrestres, les roselières sont importantes pour de nombreuses espèces animales qui y trouvent nourriture et refuge ainsi qu’un site de reproduction. Les oiseaux migrateurs comme le blongios nain (Ixobrychus minutus) ou le bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), mais aussi les oiseaux d’eau comme la gallinule poule d’eau (Gallinula chloropus) ou le grèbe huppé (Podiceps cristatus) s’y arrêtent régulièrement pour se reposer, se nourrir ou se reproduire. Les parties immergées des roseaux sont également des zones de frai idéales pour les poissons puisqu’elles permettent aux alevins de grandir à l’abri des prédateurs. C’est notamment le cas de la tanche (Tinca tinca)3, de la carpe (Cyprinus carpio), du rotengle (Scardinius erythrophthalmus) ou du brochet (Esox lucius)3.

Vulnérabilité et gestion

En 2009, le WSL* estimait que les zones marécageuses de type bas-marais ne couvraient en Suisse plus que 192 km2 , alors qu’elles atteignaient 2’500 km2 vers 18008, 10. Cette forte régression témoigne des grands travaux d’assainissement menés dans le pays dès le début du XXe siècle. A Genève, les grands marais ont été asséchés à la fin de la Première Guerre mondiale et remplacés par des cultures afin de garantir un apport en nourriture suffisant aux populations locales4. C’est le cas notamment des marais de la Haute-Seymaz, qui ont disparu sous la pression du drainage des sols et des mesures de canalisation des cours d’eau4. Cette artificialisation* du paysage a conduit à la régression des roselières, mais également à la fragilisation de tous les écosystèmes humides (réduction des surfaces, enrichissement lié à l’usage de fertilisants agricoles).

De nos jours, la pression sur les roselières s’est relâchée. Des travaux de revitalisation ont été menés dans un objectif de protection des biens et des personnes, ce qui a permis d’aménager conjointement des sites en faveur de la biodiversité*. Signe encourageant, les milieux renaturés* ont été rapidement colonisés par des espèces rares* ou menacées*. De plus, certaines de ces surfaces sont aujourd’hui entretenues par des exploitants agricoles qui réalisent ainsi un travail en faveur de la collectivité.

La menace d’assèchement n’est donc plus vraiment d’actualité et le gestionnaire doit surtout veiller à prévenir l’embuissonnement naturel, notamment la colonisation des saules cendrés (Salix cinerea)6. Si le milieu se referme, des mesures doivent être réalisées par coupes régulières ou arrachage des arbustes et de leurs rejets. Dans certains cas, une fauche par rotation (destinée à éviter de tout faucher en une fois) doit être organisée pour assurer le maintien des roselières.

Pour contenir les populations de roseau commun (Phragmites australis), qui ont quelquefois tendance à s’étendre, et pour valoriser les autres formations marécageuses, des mesures d’inondation temporaire sont parfois réalisées. C’est par exemple le cas au Pré de l’Oie dans les marais de Sionnet où depuis quelques années les roselières sont complètement inondées à la fin de l’été, juste après la fauche, dans le but de freiner leur régénération.

Une grande partie des roselières du canton se trouvent dans des bas-marais d’importance nationale ou sur des sites fédéraux de reproduction des batraciens (OBAT).

Dynamique

Fichier

Espèces

Flore vasculaire
Flûteau commun Alisma plantago-aquatica
Laîche souchet Carex pseudocyperus
Iris jaune Iris pseudacorus
Menthe aquatique Mentha aquatica
Roseau commun Phragmites australis
Renoncule langue Ranunculus lingua
Cresson amphibie Rorippa amphibia
Jonc des tonneliers Schoenoplectus lacustris
Schoenoplectus de Tabernaemontanus Schoenoplectus tabernaemontani
Morelle douce-amère Solanum dulcamara
Massette à feuilles étroites Typha angustifolia
Massette à larges feuilles Typha latifolia
Ortie dioïque Urtica dioica
Oiseaux
Rousserolle effarvatte Acrocephalus scirpaceus
Bruant des roseaux Emberiza schoeniclus
Gallinule poule d’eau Gallinula chloropus
Blongios nain Ixobrychus minutus
Grèbe huppé (nidification) Podiceps cristatus
Râle d’eau Rallus aquaticus
Reptiles
Couleuvre à collier Natrix natrix
Odonates
Aeschne isocèle Aeshna isoceles
Aeschne printanière Brachytron pratense
Orthoptères
Conocéphale des roseaux Conocephalus dorsalis
Conocéphale bigarré Conocephalus fuscus
Coléoptères terrestres
Donacia antiqua
Harpalus affinis
Plateumaris consimilis
Plateumaris sericea
Téléphore fauve Rhagonycha fulva
Silpha tristis
Stenus cicindeloides
Stenus latifrons
Poissons
Brème Abramis brama
Carpe Cyprinus carpio
Brochet Esox lucius
Rotengle Scardinius erythrophthalmus
Tanche Tinca tinca
Faune invasive
Carassin poisson rouge Carassius auratus
Grenouille rieuse Pelophylax ridibundus
Auteurs
Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier