Prairies humides enrichies

Calthion / Agropyro-Rumicion pro parte

Description

Les prairies humides enrichies se caractérisent par la présence d’une nappe phréatique* fluctuante située à faible profondeur1, 5 (entre 0 et -150 cm environ) sur un substrat argileux5. Ce dernier accentue les variations périodiques d’humidité (conditions amphihydriques) par sa faible perméabilité. Il en résulte un terrain temporairement asséché l’été et inondé lors des autres saisons2, 3. Le sol est relativement riche en éléments nutritifs*, ce qui le distingue des prairies humides à filipendule à six pétales et des prairies humides à lotier maritime. Cette caractéristique peut découler de la pâture (déjection des animaux), des pratiques agricoles adjacentes (fertilisation* organique ou minérale) ou tout simplement de la topographie ou de la richesse naturelle du sol (situation en cuvette réceptionnant les eaux de ruissellement ou les écoulements souterrains). La végétation est donc plus luxuriante que dans les autres prairies humides.

La carte cantonale des milieux regroupe à l’échelle du 1: 5’000e les deux variantes suivantes :

  • les prairies humides à silène fleur de coucou (Calthion: Holcetum lanati?), moyennement riches en nutriments*, sont largement dominées par la houque laineuse (Holcus lanatus), le silène fleur de coucou (Silene flos-cuculi) ou la renoncule de Fries (Ranunculus acris subsp. friesianus). Le cortège* spécifique se caractérise par la présence conjointe d’espèces associées aux milieux humides, comme la fétuque faux-roseau (Festuca arundinacea), la laîche en épi (Carex spicata) ou le myosotis des marais (Myosotis scorpioides) et d’espèces prairiales comme le pâturin commun (Poa trivialis), le fromental (Arrhenatherum elatius), la flouve odorante (Anthoxanthum odoratum) ou de milieux perturbés comme le bugle rampant (Ajuga reptans), la laîche hérissée (Carex hirta) ou les oseilles (Rumex spp.).
  • les prairies humides à vulpin des prés (Calthion: Poo-Alopecuretum), dominées par le vulpin des prés (Alopecurus pratensis), présentent un sol très riche en éléments nutritifs*. Elles sont soumises à des inondations hivernales et printanières, ainsi qu’à un engorgement prolongé, sans assèchement estival. Elles se distinguent par la présence d’espèces très exigeantes en nutriments*, qui tolèrent les variations de niveau d’eau, comme le pâturin commun (Poa trivialis), l’alpiste roseau (Phalaris arundinacea), le rumex crépu (Rumex crispus) ou le cresson des marais (Rorippa palustris).

Certains groupements peu représentés dans le canton ou qui couvrent de petites surfaces ont été assimilés aux prairies humides enrichies à des fins de lisibilité cartographique. Il s’agit:

  • des groupements pionniers à vulpin genouillé (Agropyro-Rumicion: Ranunculo-Alopecuretum) présents sur les surfaces écorchées, sur des sols limoneux à nappe affleurant au printemps. Ils sont dominés ou co-dominés par le vulpin genouillé (Alopecurus geniculatus) et la renoncule rampante (Ranunculus repens), associés à la laîche en épi (Carex spicata) ainsi qu’au jonc épars (Juncus effusus).
  • des groupements à séneçon aquatique (Calthion: Senecioni-Brometum), plus riches en nutriments*, qui sont dominés par le brome confondu (Bromus commutatus)4 ou la houque laineuse (Holcus lanatus)4 et se caractérisent par la présence du séneçon aquatique (Senecio aquaticus)4. Certaines espèces profitent de la présence de nutriments* pour se développer, c’est le cas de la fétuque roseau (Festuca arundinacea)4, du lotier des marais (Lotus pedunculatus)4, du myosotis des marais (Myosotis scorpioides)1 ou du distingué silène fleur de coucou (Silene flos-cuculi)4. La molinie faux-roseau (Molinia arundinacea)4, inféodée aux sols très maigres* des prairies à filipendule ou à lotier, est soit absente, soit présente ponctuellement4. D’autres espèces plus rudérales*, typiques de milieux perturbés, sont plus régulières comme de nombreux joncs (Juncus spp.)4 ou la renoncule rampante (Ranunculus repens)4.
  • des groupements à joncs épars (Calthion: groupements à Juncus effusus), souvent monospécifiques* qui colonisent les abords d’étangs ou les cuvettes parfois fortement piétinées par le bétail4.
  • des groupements à scirpe des forêts (Calthion: Scirpetum sylvatici), dominés par le scirpe des forêts (Scirpus sylvaticus)4, qui forment souvent des colonies monospécifiques*, 4. Ils se développent aux abords des cours d’eau ou des étangs sur des sols acides, naturellement fertilisés par les crues4.

Où observer

Dans les Bois de Jussy, vous pouvez observer une prairie à silène fleur de coucou au lieu-dit Les Prés des Grands Bois (Jussy). Une prairie à vulpin des prés occupe le lieu-dit Les Creuses, dans les marais de Sionnet (Meinier).

Quand observer

Entre mai et juin pour observer la floraison du silène fleur de coucou.

Profil

Surface en hectares
11.2
Pourcentage du canton occupé
0.04%
Humidité
Minimum Moyenne Maximum
3 3.5 4
Acidité
Minimum Moyenne Maximum
2.1 2.6 3.1
Richesse en nutriments
Minimum Moyenne Maximum
2.7 3 3.2
Granulométrie
Minimum Moyenne Maximum
4 4.4 5
Naturalité
Value
4

Le saviez-vous?

La présence à Genève du cumin des prés (Carum carvi) dans les prairies humides est un indice qui permet souvent de diagnostiquer une origine artificielle. En effet cette espèce entre dans la composition de mélanges du commerce semés en plaine, alors que son optimum naturel est montagnard.

Valeur biologique

Peu représentées au niveau cantonal et national, les prairies humides enrichies présentent un intérêt phytosociologique* important. De plus, elles abritent, pour certaines d’entre elles, des espèces menacées* au niveau suisse comme le séneçon aquatique (Senecio aquaticus), la gaudinie fragile (Gaudinia fragilis) ou le brome confondu (Bromus commutatus) et offrent ressources et habitat* à une faune variée. Il est à noter que le séneçon aquatique a connu récemment une expansion dans certaines prairies agricoles, notamment sur les parcelles en pente du versant nord des Alpes6. La longévité de ses graines et leur faculté de germination rapide lui ont permis de se multiplier sur certains sols perturbés par le pâturage et les machines de récolte. Cette expansion pose problème puisque le séneçon s’avère toxique pour les animaux de rente6.

 

Vulnérabilité et gestion

Traditionnellement exploitées pour la fauche ou la pâture, les prairies enrichies nécessitent une gestion adaptée et suivie pour conserver leurs ressources biologiques. Elles sont ordinairement soumises à deux interventions annuelles : la première fauche est généralement réalisée entre le 15 juin et le 15 juillet, suivie d’une fauche ou d’une pâture à la fin de l’été (dès la mi-août environ). Plus productives que les prairies à filipendule à six pétales, elles présentent un certain intérêt agricole, ce qui explique leur gestion plus active. La fauche est par exemple réalisée sur toute la surface et non par secteurs (ce qui est le cas pour les prairies à filipendule à six pétales), une pratique qui réduit son intérêt pour les insectes.

Laissées à l’abandon, elles évoluent vers la mégaphorbiaie à reine des prés (Filipendulion), puis vers la forêt avec l’installation des saules cendrés. Pour freiner cette tendance naturelle, un suivi attentif de l’embroussaillement est préconisé. Il est généralement recommandé de contenir à 5 ou 10% la surface couverte par les buissons, avec la possibilité d’adapter ce pourcentage en fonction des besoins. Cette hétérogénéité structurelle permet le maintien de la strate herbacée, tout en augmentant le nombre d’habitats (prairies, arbustes) favorables à la faune2. Les menaces de drainage* doivent aussi être écartées afin de conserver le caractère humide de ces prairies1, 3.

Dynamique

Fichier

Espèces

Flore vasculaire
Vulpin des prés Alopecurus pratensis
Brome confondu Bromus commutatus
Laîche en épi Carex spicata
Fétuque faux-roseau Festuca arundinacea
Houque laineuse Holcus lanatus
Jonc épars Juncus effusus
Lotier des marais Lotus pedunculatus
Myosotis des marais Myosotis scorpioides
Renoncule de Fries Ranunculus acris subsp. Friesianus
Renoncule rampante Ranunculus repens
Renoncule des bois Ranunculus tuberosus
Séneçon aquatique Senecio aquaticus
Silène fleur de coucou Silene flos-cuculi
Orthoptères
Criquet des clairières Chrysochraon dispar
Conocéphale bigarré Conocephalus fuscus
Grillon des marais Pteronemobius heydenii
Criquet ensanglanté Stethophyma grossum
Lépidoptères
Cuivré des marais Lycaena dispar
Grand nègre des bois Minois dryas
Coléoptères terrestres
Agapanthia villosoviridescens
Athous bicolor
Cantharis rustica
Auteurs
Sophie Pasche, Yves Bourguignon, Pascal Martin, Florian Mombrial, Patrice Prunier